sache ne plus respirer tout un jour jamais ne te relâche entier ne garde ni nourriture ni boisson ne dors pas sur le dos sens quelqu’un prêt à te cacher sans rien demander fais toujours semblant

ne reviens jamais sur tes pas ne laisse aucune trace de ta présence demeure toujours prêt à fuir précipitamment ne conserve rien longtemps cours sans bruits et sans voir (C.P.)

repère des gens simples où ils vivent qui les entoure guette les dans leurs plus infimes détails attends avec eux comme devenant n’importe qui

ne libère totalement promptitude et agilité que dans le péril ne te montre en aucun cas renfermé sur toi même préserve constamment la force de repartir loin

vérifie chaque jour ta mémoire des lieux perçois précisément les autres sans les observer rends tes actes insurveillables n’avive toute ta souplesse que dans le noir complet

ne t’habitue à aucun de tes comportements immédiatement évalue la force de chacun n’intrigue personne ne te fais jamais soigner sois partout prêt à voler une arme rapidement

ne permets pas de comprendre ton itinéraire que personne ne t’entende ni ne te voie pleurer sauf pour faire basculer subitement la parole tout habillé remonte et descends une rivière en apnée

en une seconde assoupis toi totalement détache toi de ceux qui t’aident et te donnent pour t’accaparer anéantis toute image de toi ne te laisse jamais prendre à parti entre deux personnes

ne pousse ta fatigue à l’extrême qu’exceptionnellement assure-toi continuellement de savoir enrayer tout énervement repère partout où prendre et dépecer un animal

tapis toi invisible pour dormir le jour emporte de quoi couvrir plusieurs personnes entends ceux qui grondent imperceptiblement développe la faculté de marier fuser et se figer

anticipe et évite toute question personnelle deviens entièrement douceur et chuchotement éprouve et contre l’érosion de tes réflexes reste capable de tuer traverse les ronces

accoutume toi à ce qui terrorise faufile toi rapidement et sans bruit à contre vent sois prêt à te blesser sévèrement apprends chaque jour de nouvelles façons de réagir puis oublie tout

ne te montre en aucun cas renfermé sur toi même ne te précipite que dans le péril réserve constamment la force de t’enfuir sans traces masque ton mimétisme et ton agilité

retranche toi entier du temps jusqu’à la fin de chaque attente ne travaille ta sauvagerie qu’à l’abris certain de tout regard

immédiatement coupe toi tes cauchemards même blessé marche sans boîter couche toi infiniment sans bouger dans les marais recouvert de boue et de sang ne soutiens aucun regard

domine constamment tous les rythmes de ton corps ne laisse soupçonner aucune pensée tortueuse ne répète pas de destruction ou de vol au même endroit

endurcis tes pieds nus exerce après chaque salut chaque merci que tu observes ta maîtrise gestuelle d’une grande gamme d’élans serre tes poings jusqu’au sang

décèle aussitôt l’impuissance de certains à révéler le fil de leur volonté parviens à disposer fixement dans ta mémoire toutes les pensées de la nuit

bois la pellicule d’eau à la surface de la boue absorbe tout ce qui dévoile les pensées des autres plonge toi confonds toi aux dépouilles amoncelées fuis rampe indécelablement

sous l’orage mets toi nu et protège parfaitement tes vêtements de lents balayages constants des yeux identifie de tous côtés les moindres mouvements même lointains (C.P.)

réserve le temps des tentatives infructueuses connais tous les points de mort du corps traverse sans sourciller les odeurs les plus âcres

referme-toi sûrement pour t’apaiser dans le fracas comme dans le silence façonne le surgissement de tes impulsions interprète la naissance et les mouvements des nuages

en veille solitaire résorbe ta faim dans le repos et avec les seules réserves de ton corps pour pousser à ses dernières limites ton autonomie

ne perds pas de temps dans l’inertie ne laisse prendre place en toi la moindre déception des personnes qui te ressemblent et t’entourent d’attention

esquive tout enthousiasme instantané pour ta personne apprivoise intimement tout ton corps à l’eau glacée ne permets pas de te mesurer ni mettre à l’épreuve dans un jeu

affranchis de toute l’ampleur de ta voix des profondeurs de ton ventre membre par membre toute la colère où s’efface le doute jusqu’à te porter à l’abattement

laisse toi jeter et abandonner pour mort en guettant aux sons et aux souffles le coup qui t’abattrait alors mords au sang et deviens panique imparable

ne porte pas de vêtements neufs à l’extérieur étends toi au plein soleil jusqu’à ce qu’il traverse chacun de tes os tenant toujours tes articulations alertes

ne pense plus ne revois plus aucune image ne sois que survie sans plus compter nuits ni jours ne croise jamais le regard de ceux que tu observes

marche sur les cadavres brûlés les os cassants sans affectation sans trembler sans jamais songer à te libérer celant tout amour dans un renoncement viscéral

cours droit devant toi avec un sac chargé te jetant à travers fossés et fourrés au moindre signe de vie terré le jour repartant plusieurs nuits pour arriver à l’aisance

balance à peine la tête émets juste quelques rares murmures tourne toi un peu parfois n’approuve ni ne nie regarde la parole et l’attention s’affaiblir et mourir

ne te fie à aucun souvenir mais seulement aux raideurs aux réflexes aux puissances des corps arrache leur leur présent leurs deuils leurs rêves

que la brûlure sous tes chairs laisse se camper la douceur sans les honorer offre leur la croyance de te violer de te détenir ne te suicide pas

gagne un point avec une vaste vue sur le lointain d’où t’extraire très longuement du bruissement effacer ta pensée et redevenir absolument étranger (C.P.)

effraie les fantômes qui te tétanisent parle d’un seul trait à voix haute claire sans répéter jusqu’à ne plus connaître d’hésitation chasse tes regrets tes choix passés

extirpe toi de ceux dont l’empreinte encore vivante traverse ta vue des autres et tes paroles et souvent les confond sur ta peau avec ceux que réellement tu touches

d’abord assourdis les attaques envers toi de ceux à tes côtés demeure parfois muet résorbant ton atteinte parfois riposte brutalement et au plus tranchant

trouve chaque jour l’équilibre qui préserve ton sommeil quand tu écoutes quelqu’un soudain ouvre intérieurement ta bouche au plus grand puis ton visage tout entier

étire tes bras infiniment tiens toi abrupt face à certains et jovial avec d’autres mais aucunement inconstant détourne toi de tout partage de croyance

avance d’un balancement fluide sur un fil les yeux mi clos tiens d’un regard frontal ferme sans arrogance sans reculer ni faire de pas le chien le plus furieux

retire toi des mouvements pour de longs jours apaise toi jusqu’à ne plus ressentir la moindre incitation extérieure la moindre action à venir

démembre le d’un seul coup de toute ta force sans attendre sans parole sans le dévisager même pour la plus critique la plus insupportable des vies sauve quelqu’un

arrache ton bras d’un retournement foudroyant garde conscience de chaque pression de tes orteils de ton flan au sol détale inspire expire longtemps fort détale

imprègne toi des sourires clairs qui saccadent ton pas emporte toi dans les accents bruyants de l’excitation de la parole recouvre ton véritable travail taciturne

lie toi spontanément avec n’importe qui souris et parle vivement sans véritable précision personnelle ne t’abandonne jamais à personne ne serre personne dans tes bras

applique toi à mesurer aux autres encore toutes les souplesses les réactions que tu ignores provoque une par une tes incapacités tiens toi tendu au ras du gouffre

ne demeure captif pas plus de quelques instants n’écoute ou ne lis de longues histoires autrement que par les autres ressens comme elles s’insinuent à travers le monde

ne crains de vider tes réserves que t’abandonnent tes muscles tétanisés tes os laminés n’entends plus que tenir bon étreins au creux de toi celui que tu as vu ne jamais démordre

ne t’avise pas dans leurs tromperies dans leurs récits enjoués ou intimistes de parler de sexe de démasquer tes gestes silencieux ce que tu sais comment tu l’as appris

reste invisible à plat dans la neige durant des heures entretiens la circulation d’infimes mouvements et de la chaleur de ton souffle à travers tous tes membres

renonce à ta chair tiens la à côté de toi jusqu’à l’oublier prêt à tout autre chose ne laisse tressaillir dans ton imagination aucune de tes attirances ni le moindre souvenir

lâche ta tête vacille désordonnée agrippe la soudain des épaules lâche large rotation accélérée frénétique la douleur sourd des yeux sens chauffer brûler ta nuque

ne présage jamais de la loyauté d'autrui force tes anxiétés à dormir occulte dans chaque nouvelle rencontre tes rémanences d’infidélités ne te laisse trahir qu’une seule fois

lève toi d’un coup brusque et retourne toi en tous sens poursuit chaque action d’une autre tout de suite mutique sache devenir féroce avec ténacité et une extrême adresse

comme ta survie ménage la distance suffisante pour toujours voir pour pouvoir toujours dire suspecte toi d’acquiescer tacitement de t’affaisser insensiblement

gagne toujours la plus intense célérité de tes mains leur plus grande puissance de tenir veille leur vigilance leur précision leur souplesse extrême

esquive le premier geste vif amène le ensuite de légers mouvements des pieds et des épaules à se clarifier entièrement à s’avancer jusqu’à toi avant toute réplique

adapte ton pas à chaque instant à ceux que tu croises assimile leurs respirations sans ressemblance exagérée sans laisser discerner l’élan qui t’éloigne (C.P.)

empêche que s’amplifie en toi la voix qui emmêle et t’emporte insensiblement jusqu’à te perdre étouffe la entièrement et souvent et contiens sévèrement son pouvoir

ne confie rien qui t’attache intimement ne laisse rien augurer de ton existence proche autre part n’anticipe aucune séparation quitte subrepticement

recroqueville toi sous un taillis ne bronche pour aucune raison attends la guérison plusieurs jours si il le faut sous les feuilles sans espérer une goutte d’eau

entre dans les colères où les vérités se font jour sens toi dépasser ta volonté préservant viscéralement la limite qui stoppera tout net et définitivement si besoin

enserre ta plaie de feuilles épaisses que cesse le sang compresse la longtemps fort garde connaissance absolument ne laisse ni douleur ni angoisse te submerger

n’offre que des présents périssables dont le souvenir ne puisse être que fugace insignifiants hors des échanges courants de la vie rien qui n’affecte un moment intime

gagne confiance dans les événements impromptus et incontrôlables incorpore aussitôt leurs revirements appuie toi à tout instant sur cette incertitude (C.P.)

rejoins l’instinct irraisonné de la traque retrouve et quitte librement la vie la plus rudimentaire la plus sauvage ne crains plus l’impression de redevenir animal

oublie tes tressaillements profonds au moindre contact laisse parfois quelqu’un que tu ne connais pas te toucher rester contre toi sans répondre d’aucun geste

tiens toi tendu étiré entre d’infimes points d’appuis arqué toujours plus suspendu dans l’espace respire de plus en plus doucement invisiblement

jette-toi de toutes forces au sol au mur dans l’eau sur le bois à tes pieds au plus loin dans la pente les éboulis sur le rocher le sable la vase à travers le feu le verre

tout doit tenir dans un sac que tu portes d’une seule main garde cachés sur toi prêts à déposer en un instant tes papiers et de rares images chères inidentifiables (C.P.)

relâche-toi ne t’affaiblis pas là où te dépasse t’entrave et te bloque la force guette quand de l’intérieur quelque chose va s’user et se désagréger et tomber devant toi

serre enfermée au plus profond de toi l'inquiétude et les peurs qui te creusent parfois et ressaisis immédiatement le fil des gestes et des paroles de la confiance

tiens sur un fil sans vaciller disparais avec la furtivité d'un passereau avant la nuit quitte le sol de la forêt fonds toi avec les animaux chaque éveil délivre une agilité inconnue (C.P.)

 

 

Dans ta peau, 2010

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EMMANUEL ARAGON


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